A quelques heures de la finale contre la Croatie, Didier Deschamps, le sélectionneur de l’équipe de France, sait mieux que quiconque ce qui l’attend.
Il y a vingt ans jour pour jour, presque heure pour heure, Didier Deschamps refaisait le même geste pour la énième fois en 48 heures. Sur le perron de l’Elysée, à la Garden Party présidentielle du 14 juillet, le capitaine des Bleus, polo noir, traits tirés mais toujours le sourire en banane, brandissait la Coupe du monde à une foule cravatée triée sur le volet. A sa gauche, le Président de la République Jacques Chirac reprenait en playback « We are the Champions » sous le regard espiègle de son Premier Ministre, Lionel Jospin. L’image est bien archivée à l’INA. Elle ressort en boucle en ce moment. Deschamps reverra peut-être les lieux, ce lundi après-midi, où une réception moins populaire est prévue en cas de victoire. Il rejoindrait alors un cercle très fermé, bouclé à deux tours, pour peut-être former un podium de légendes. Celui des joueurs et sélectionneurs à avoir remporté la Coupe du monde sous les deux tuniques. Ils ne sont que deux pour l’instant avec le Brésilien Mario Zagallo (1958-62 sur le terrain puis 1970 sur le banc) et Franz Beckenbauer (en 1974 puis 1990).
Dans sa causerie, en partant de l’hôtel des Bleus à Moscou pour se rendre au Stade Loujniki pour cette finale face à la Croatie, DD ne jouera donc pas les anciens combattants. Son discours sera – et a toujours été – contemporain.
Mais le sélectionneur des Bleus depuis l’été 2012 ne veut pas se projeter dans cette galaxie, même s’il tourne autour. Il ne veut pas non plus rejouer la scène d’avance comme en 2016 où certains de ses joueurs, comme l’a avoué Paul Pogba, croyaient que la finale était gagnée après avoir sorti l’Allemagne en demie. L’entraîneur et le joueur, eux, n’ont jamais refait le match. Coach depuis 2001, « Dédé » ne vit plus avec son passé comme il a toujours refusé de l’évoquer avec ses vingt-trois joueurs en Russie. Dans sa causerie, en partant de l’hôtel des Bleus à Moscou pour se rendre au Stade Loujniki pour cette finale face à la Croatie, DD ne jouera donc pas les anciens combattants. Son discours sera – et a toujours été – contemporain. Il le sera encore plus dans cette dernière ligne droite vers la gloire. «De toute façon, il y a beaucoup de différences entre les deux situations, a précisé l’entraîneur tricolore pour sa dernière conférence de presse d’avant-match en Russie. Quand on est joueur, on est acteur. Là, je suis désormais à la disposition des joueurs. Ma réussite est liée à la leur. Joueur, la vie est presque plus belle. On a prise sur les événements. On peut se dépenser physiquement. Entraîneur, on est plus dans le mental. Et c’est plus usant.»
Ça se voyait d’ailleurs. Le sélectionneur tricolore avait les traits tirés et le visage plus marqué dans les entrailles de Loujniki. En deux ans, il a réussi la performance de ramener les Bleus en finale d’un évènement majeur. Il y a eu la défaite en 2016, face au Portugal (1-0, a.p.), à domicile. Ces vingt-quatre mois n’ont pas été de tout repos. DD a toujours cherché la meilleure formule. Il y a eu des choix forts, y compris durant ce tournoi avec le changement de stratégie dans la foulée du premier match poussif contre l’Australie dans la chaleur de Kazan (2-1). Si DD ne remue pas ses émotions du passé, il s’en sert pour avancer dans sa stratégie globale. C’est son célèbre pragmatisme. Les leçons sont faites pour être apprises et tirées. Rien ne lui échappe. Il sait que cette finale contre la Croatie peut – et va – se jouer sur des détails pour aller décrocher cette deuxième étoile dont il peut être l’unique trait d’union entre deux voies lactées.
Aujourd’hui, Didier Deschamps veut prendre la place
«A un poteau rentrant ou sortant peut-être», comme il le précise dans un soupir en se remémorant la frappe d’André-Pierre Gignac sur le montant en prolongation contre le Portugal. Là, Deschamps ne peut plus rien faire. Il aura donné son maximum avec des décisions qui ont parfaitement fonctionné, surtout lors des matches à élimination directe, en Russie. «Il faut accorder beaucoup de crédit au coach dans cette place en finale, reconnaît Hugo Lloris. Ses plans de jeu ont fonctionné à merveille. Après, les joueurs ont les clés sur le terrain. Mais il échange avec ses cadres. Il est dans le dialogue. Il y a toujours eu un rapport étroit entre le coach, son staff et les joueurs.» DD connaît les ressorts d’un groupe en plus de trente ans de professionnalisme. Le déclic qui peut également faire la différence dans l’information qui remonte ou qui redescend vers son groupe. Il était le premier relais d’Aimé Jacquet en 1998. Pour sa première et unique Coupe du monde comme joueur, il a tiré le gros lot du premier coup. Comme sélectionneur, il en est à sa deuxième après le quart au Brésil et la défaite contre l’Allemagne (1-0). Ses Bleus ont alors été sortis par le futur champion du monde. Aujourd’hui, Didier Deschamps veut prendre la place. Son pote Nagui, le célèbre animateur de France Télévision, ne pourrait pas mieux lui dire. Le sélectionneur connaît aussi les paroles de « We are The Champions » ou de « I will survive ». Il ne serait pas contre repousser la chansonnette sur le perron de l’Elysée. Vingt ans après…à quelques jours près.
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