Le sélectionneur de l’équipe nationale A de football du Sénégal souffle en cette année 2024, neuf bonnes et parfois tumultueuses années de service à la tête de la tanière avec à la clé, un titre de champion d’Afrique en 2022. Ce n’est pas beaucoup, mais ce n’est pas négligeable aussi, loin s’en faut.
Légitimement, Aliou Cissé a le droit d’aspirer à d’autres performances pour élargir son palmarès. Mais je crains que cette ambition soit plombée par l’usure du temps et un environnement hostile. Le contexte n’est pas un jeu de l’ego. Il contraste avec l’effritement de la belle épopée qui lui avait permis ces résultats. Oui, le coach Aliou Cissé, avec à sa disposition les meilleurs joueurs dont un sélectionneur peut rêver. Je ne citerai pas d’exemple ni de noms. Ceux qui suivent la tanière s’y retrouveront. C’est comme cela.
L’équipe nationale A de football est toujours composée d’expatriés, qui y dictent leur loi et conditionnent le sélectionneur. C’est cela aussi notre retard. L’ossature n’est jamais composée de locaux, formés à bonne école, capables de rivaliser d’ardeur avec n’importe quel adversaire. Mais ne sortons pas de l’objectif de ce numéro de parlons-en, qui s’adresse exclusivement à Aliou Cissé. Si c’était une lettre, j’allais commencer par dire : Mon cher Aliou Cissé, en toute sportivité, je vous demande de partit pendant qu’il est encore temps. Mais il ne s’agit pas de cela. Dans ces colonnes, il est question d’étayer mon argumentaire, sur la base d’assourdissants bruits de bottes, qui commencent à se soulever critiquant votre système de jeu ou votre façon de conduire la tanière ou encore vos sauts d’humeur qui perturbent sérieusement le travail des journalistes sportifs, vos alliés inaliénables.
Oui, la vive polémique a refait surface autour des choix tactiques ou du système de jeu de l’entraîneur des lions de la téranga. La toute dernière en date remonte au lendemain du match nul 1 à 1 concédé face au Burkina Faso, le vendredi 06 Septembre 2024, sur la magnifique pelouse du stade Maitre Abdoulaye Wade. C’était dans le cadre de la première journée des éliminatoires de la CAN 2025. Au sortir de ce match aller, Aliou Cissé a essuyé des critiques les plus acerbes qui soient. D’aucuns sont même allés plus loin, en demandant qu’on le démette. A y regarder de plus près, Aliou Cissé n’en est pas à sa première vague de critiques, ni de réprimandes de la part des sportifs sénégalais qui ont atteint le seuil d’intolérance zéro. La preuve, nous commençons même à constater un vide autour des l’équipe nationale.
Plus d’engouement, les supporters ne répondent plus à l’appel, en tout cas le match Sénégal/Burkina Faso s’est presque joué dans des gradins désemplis. A un désamour qui ne dit pas son nom, assiste-t-on. Pourtant, c’est sur ces glissades et sur ces chemins parsemés d’embûches qu’il a été vainqueur de la Coupe d’Afrique des nations de football 2022 avec le Sénégal. C’était le dimanche 06 Février 2022 au Cameroun plus précisément au stade Olémbé, face à l’Egypte au terme d’un match palpitant et plein de suspense. Zéro but partout à l’issue des prolongations, avant que le Sénégal ne gagne aux tirs aux buts (4-2). Aliou Cissé capitaine des lions de l’époque, 20 ans après son pénalty raté en finale de la CAN en 2002 au Mali et qui avait permis au Cameroun de gagner la coupe, venait d’être soulagé. (Voir suite plus tard).
Aucun sélectionneur national ou étranger ne l’a jamais réussi auparavant. On lui concède cette merveilleuse performance qui avait ébloui tout un peuple. Même si certains puristes continuent de soutenir que si Aliou Cissé a réussi ce «miracle», c’est parce qu’il disposait d’une génération de footballeurs exceptionnels, pétris de qualité et professionnels jusqu’aux crampons de leurs godasses. Des joueurs de haut niveau en pleine possession de leurs moyens. Ils formaient un cercle de feu, qui pouvait même nous faire gagner au moins trois trophées continentaux.
Avant le sacre de 2022, observons les CAN ratées, alors tout était à la portée des lions de la téranga. En 2017 au Gabon, les lions favoris ont été éliminés en quarts de finale. En 2019, les lions ont perdu la finale de la CAN la plus prometteuse en terre égyptienne face à l’Algérie 1 but à 0. Mais le comble, c’est la CAN 2024 qui s’est jouée en côte d’ivoire. Le Sénégal tenant du titre continental, fut éliminé en huitième de finale par la côte d’ivoire, qui n’était pas au meilleur de sa forme, abattue par une série de revers durant le premier tour. Un lundi 29 janvier 2024 qui restera inoubliable. Les éléphants de la côte d’ivoire, qui venaient de barrer la route aux lions du Sénégal détenteurs de la coupe, s’étaient qualifiés en huitième de finale en faisant partie des quatre meilleurs troisièmes. Inédit pour un pays hôte de la compétition. Aliou Cissé, dont l’équipe avait franchi toutes les étapes sans coup férir, avait toute la latitude de faire la lecture des matches de la côte d’ivoire, qui furent aussi lamentables et désastreux, qu’un phacochère blessé.
Battue par le Nigéria 1 à 0, laminée par Guinée Equatoriale 4 à 0, la côte d’ivoire n’avait qu’un seul espoir, attendre que le miracle se produise en sa faveur. Aliou Cissé devait donc comprendre que le repêchage des éléphants allait être la plus difficile équation à résoudre dans cette Can, car les ivoiriens touchés dans leur propre orgueil, avaient une dette à payer et un affront à laver face à leur public et en tant que pays hôte. Ce paramètre psychologique qui a requinqué les éléphants, a échappé à l’entraîneur du Sénégal qui parait-il, n’écoute personne. Ce sont des lacunes qui poursuivent le coach Aliou Cissé. La suite on la connait. Au sortir de cette énième débâcle, la fédération sénégalaise de football, qui apparemment ne tient pas compte de l’alerte et des coups de colère des sportifs sénégalais, prolongea le contrat d’Aliou Cissé jusqu’en 2025 ou 2026. Ce petit flash-back et la première sortie ratée d’Aliou Cissé face au Burkina Faso, en route pour la qualification à la CAN 2025, m’amènent à aborder mon questionnement sur la fin proche ou non du long bail qui lie Aliou Cissé à la tanière.
Palmarès.
De sa longue carrière en tant que joueur, qui a débuté en 1995 en ligue 1 française (Lille-Monaco (0à0) plus précisément, nous retenons pour éviter d’être long, qu’avec le Paris Saint Germain, il fut vice-champion de France en 2000. Avec son cher Sénégal, en tant que joueur, il a été finaliste de la coupe d’Afrique des nations en 2002 au Mali. Quarts de finaliste de la même année en Coupe du monde au Japon. Arrêtons-nous à ce stade de sa carrière en tant joueur en équipe nationale du Sénégal, pour revenir sur la finale perdue au Mali. Capitaine, défenseur et milieu de terrain fougueux, Aliou Cissé faisait partie des joueurs désignés pour participer à la série de tirs aux buts face au Cameroun. Alors que l’espoir de tout un peuple se trouvait dans ses pieds, Aliou Cissé, qui a amorcé une longue course vers le ballon royalement posé sur le gazon, tandis que les arbitres, les supporters surexcités, avaient tous les regards sur lui et sur les filets, d’une puissante frappe non cadrée ne mettra jamais le ballon au fond de la cage jalousement gardée par Boukar Alioum. Le Cameroun est aux anges. Aliou Cissé manqua le pénalty qu’il ne devait pas rater. Il brisa ainsi le rêve de tout un peuple, totalement acquis à la cause de son équipe nationale. Le train gracieusement affrété pour la circonstance,reprend le chemin Bamako-Dakar sans klaxon.
Ce fut un séisme total car le Sénégal venait de rater l’occasion de soulever pour la première fois, la coupe d’Afrique des Nations. Nous l’avons senti et remarqué, ce fut pesant pour le capitaine Aliou Cissé, qui malgré cette historique déconvenue, est nommé au poste de sélectionneur de l’équipe nationale A de football, le 4 mars 2015 par la Fédération sénégalaise de football (FSF). C’est la confiance à l’expertise sénégalaise car Aliou Cissé venait de succéder au français Alain Giresse. De cette posture, il a connu des fortunes diverses. Des succès et insuccès ont marqué sa fonction d’entraineur des lions de la téranga. Mais nous retenons qu’il a fait mieux que ses prédécesseurs. Quarts de finaliste de la Coupe d’Afrique des nations de football 2017, finaliste en 2019, vainqueur en 2022, Aliou Cissé a payé de sa maladresse de 2002 et montré à la face du monde que l’impossible n’est pas sénégalais. Donc on ne peut pas dire q’Aliou Cissé n’a pas joué sa partition dans les succès connus. Ce qui ne le dédouane pas des échecs enregistrés.
Ce qui ne signifie pas aussi qu’il doit s’éterniser à la tête de la tanière. Lui-même, il l’a dit, je le cite : «je suis sûr et certain, qu’il y a d’autres sénégalais en place, capables de diriger cette équipe nationale comme je l’ai fait. Je ne suis pas quelqu’un qui s’accroche». Fin de citation. Ces propos ont été tenus après l’élimination prématurée des Lions à la Can de Cote d’Ivoire et suite à la décision de la Fédération sénégalaise de football de prolonger son contrat. Une décision qui avait suscité et qui suscite encore, beaucoup de critiques. Ce sont ces mêmes critiques qui refont surface alors qu’il vient à peine d’entamer les éliminatoires de la CAN 2025. Modestement, je demande à Aliou Cissé de tirer toutes les conséquences de ces revers et de ces commentaires les plus tonitruants sur son système de jeu que les puristes ont fini de dénoncer et de classer sans lendemain. Aliou Cissé doit se mettre à l’évidence et regarder la réalité en face. Il ne dispose plus de sa merveilleuse génération qui devait nous valoir beaucoup de trophées. Aujourdhui, il a affaires à des joueurs à formater. Et puis fait grave, le contrôle de la tanière semble lui échapper. C’est mon humble avis. Dans ces conditions et vivant dans une atmosphère mi-figue mi-raisin, il sera difficile d’optimiser les chances de la tanière. Ma conviction également, est que le brave défenseur, milieu de terrain, virevoltant entraîneur est gagné par l’usure du temps. Avec plus 35 compétions officielles, nationales et internationales senior à son actif en tant que joueur et neuf bonnes années en tant que sélectionneur, décoré au titre de commandeur de l’Ordre national du Lion du Sénégal, c’est le temps de partir par le grande porte. N’attendez pas mon cher Aliou Cissé, qu’on vous y oblige. Vous avez été brave et vous avez rempli votre part de la mission.
Le contexte vous est défavorable et quel que soit votre bonne volonté, vous ne pouvez plus nous donner la forte sensation des années de gloire vécues. En 2002 alors que j’étais envoyé spécial de la RTS pour couvrir le match amical opposant le Sénégal au Maroc au stade Charléty en France sous la direction de Gui Stéphan, je vous avais trouvé dans un coin des vestiaires pour vous remettre une commission. Le froid nous rongeait, car il faisait six degrés sous une fine pluie. Ce match devait vous mettre en jambes pour la phase finale de la CAN qui était prévue au Mali. Depuis cette date à ce jour, nos regards ne se sont jamais croisés. Comme tous les Sénégal, je suis votre évolution à la tête de la tanière qui est un patrimoine national. S’il vous arrive de lire ces lignes, ou qu’on vous rapporte leurs contenus, sachez que je veux tout simplement que vous partiez la tête haute, avec le sentiment du devoir accompli, avant que le sabre des génies du football aussi coriaces qu’imprévisibles, ne vienne écorcher votre mérite et vos belles performances. C’est le temps du questionnement sur la pertinence de poursuivre ou non votre aventure à la tête de la tanière.
Ancien Chef de Département RTS.
N-B. Qu’il me soit permis de rendre un vibrant hommage à l’as du ballon, Séga Sakho décédé dans la nuit du 08 au 09 septembre 2024. La nouvelle est tombée au moment où je bouclais cette chronique. Après Léopold Diop, Cheikh Fam, Mbaye Fall, Demba Mbaye, puis Birane Ly, Eusebio et autres qui m’ont fait aimer le Jaraaf des années1979, Séga Sakho est devenu mon idole quand il a intégré le Jaraaf. J’avais oublié la raclée infligée au club de la médina en finale de la coupe du Sénégal de football en 1971 par la Linguère de Saint Louis. Séga Sakho était un des acteurs clés de cette belle victoire des saints louisiens, qui venaient par cet exploit, de faire voler en éclats, un couvercle qui a toujours résisté à la vapeur d’une chaudière. Une élégance toute faite sur les terrains de foot. Al likhlas.