Idrissa Seck Président du parti Rewmi, est assurément l’homme politique le plus célèbre de la cité du rail. C’est au regard de sa trajectoire politique et de ses performances électorales, marquées par une hégémonie de plus de 15 ans, avec des victoires à la soviétique sur les différentes coalitions au pouvoir. Mais aujourd’hui, avec la nouvelle donne politique, consécutive aux retrouvailles avec le Président Macky Sall, Idrissa Seck est rattrapé par deux promesses publiques, portant sur son avenir politique.
Il s’agit de deux conditions qu’il avait fièrement brandies, pour mettre un terme à sa carrière politique. C’est d’abord l’atteinte de l’âge de 63 ans et la défaite électorale dans son fief de Thiès. Les deux conditions étant remplies, le débat est posé avec des avis divergents.
Mais force est d’abord de noter que le Président Idrissa Seck est crédité d’un parcours politique exceptionnel, avec des séquences controversées, et forgé sous l’ombre de son père politique, Me Abdoulaye Wade. C’est en 1988, lors des mémorables élections présidentielles, marquées par des violences politiques inouïes presque partout dans le pays, que le jeune homme politique Idrissa Seck a fait sa première apparition remarquée dans le jeu politique, alors qu’il était le Directeur de campagne du candidat Me Abdoulaye Wade. Mais c’est aux renouvellements des instances de base du Parti Démocratique Sénégalais (PDS) de 1996, qu’il livrera ses premières batailles politiques, qui lui ouvriront les portes du leadership local du parti, alors incarné par Feu Boubacar Sall, « le Lion du Cyor ».
Mais le rappel à Dieu de ce dernier lui ouvrira définitivement les portes de la prise en main de l’instrument politique libéral à Thiès. C’est en 2.000 après la survenue de la première alternance politique au Sénégal que l’aura politique du Président Idrissa Seck est montée en puissance, sous la bénédiction du Pape du Sopi, qui lui a donné presque tous les pouvoirs. Cette position auprès du Président de la République d’alors ne tardera pas à charrier tout autour de lui des sentiments de discorde, qui se traduiront finalement par des rivalités internes.
C’est ainsi que la machine politique du PDS, qu’il a fortement contribué à construire, s’est retournée contre lui, pour le combattre farouchement et parfois même avec des armes non conventionnelles. Une telle situation avait créé un énorme élan de sympathie en faveur d’Idrissa Seck, qui était perçu comme la victime innocente d’un pouvoir, qui cherchait à éliminer un potentiel candidat à la succession. C’est dans ces conditions que le mouvement de soutien à Idrissa Seck (MSIS), qui enfantera plus tard le Rewmi, a été mis en place, donnant à Idrissa Seck une force politique, pouvant lui permettre d’aller à la conquête du pouvoir.
A l’époque, nombreux étaient les cadres sénégalais, qui avaient rallié la cause de l’ancien Premier Ministre et à Thiès par exemple, les ténors de toutes les sections du PDS avaient tourné le dos à Me Abdoulaye Wade, pour rejoindre son fils putatif. Idrissa Seck était alors en bonne position, pour bouleverser toutes les hiérarchies politiques, notamment lors des élections présidentielles de 2007.
C’est dans ce contexte que le leader de Rewmi s’est forgé une base politique solide à Thiès, devenue un rouleau compresseur électoral dont les différents régimes ont fait les frais. C’est dans ces conditions que le Président Idrissa Seck est resté maître politique de la cité du rail, dans le sens qu’il a gagné toutes les élections entre 2007 et 2022. Mais la donne a changé avec les retrouvailles scellées avec le Président Macky Sall et le retour de sa formation politique dans la coalition Benno Bokk Yaakaar, qui a enregistré deux défaites électorales en 2022. Ce qui a également coïncidé avec le 63 ème anniversaire de la naissance du leader de Rewmi.
EDOUARD LATOUFFE DE L’APR
« L’engagement de se retirer à l’âge de 63 ans a beaucoup évolué et naturellement la donne a changé»
« En quoi la présence du Président Idrissa Seck sur l’échiquier politique est-elle gênante au point que l’on agite ce débat sur sa retraite ? Je trouve le débat sur une retraite politique anticipée du Président Idrissa Seck impertinent et inopportun ». Tel est l’avis d’Edouard Latouffe de l’Alliance Pour la République (APR) à Thiès. Pour lui, la vérité est que ceux qui agitent ce débat, sont ceux-là mêmes qui ont remué ciel et terre, en usant même d’armes non conventionnelles, pour que la mayonnaise des retrouvailles ne prenne pas forme.
« Le fait que cette question soit agitée à la veille de changements importants dans l’exécutif n’est point fortuit. Le Président Idrissa Seck est dans le viseur de certains caciques du pouvoir qui voient en lui, un très probable candidat du Président Macky Sall en 2024. En tout cas de cause, il est impensable que le Président Idrissa Seck quitte de sitôt la scène politique. Les enjeux cruciaux auxquels notre pays fait présentement face, ne lui offrent d’autre choix que d’être encore au service de la République. Le contexte au cours duquel le Président Idrissa Seck avait pris l’engagement de se retirer à l’âge de 63 ans, a beaucoup évolué et naturellement la donne a changé. Nul n’a le droit d’exiger d’un homme politique, qu’il mette un terme définitif à son engagement pour son pays. Ce serait une injure gravissime faite aux Thiessois que d’exiger qu’un de ses plus illustres fils, qui a énormément fait pour leur ville fasse valoir ses droits à une pension de retraite politique. Une retraite politique anticipée du Président Idrissa Seck serait une extinction automatique de ses ambitions présidentielles. Si le Président Idrissa Seck prend souverainement la décision de se retirer, cela provoquerait la mise en quarantaine de Thiès de toutes les stations de décisions. Le destin politique personnel de Idrissa Seck est intimement lié à celui de Thiès » a-t-il expliqué
CHEIKH TIDJANE LÔ REWMI, EX ADJOINT MAIRE THIES-EST
« Si Idrissa Seck abandonne la politique sans être Président, ce serait une grosse perte… »
Pour Cheikh Tidjane Lô ex Adjoint au Maire de la commune de Thiès-Est et responsable de Rewmi, depuis 2007, Idrissa Seck n’a jamais perdu à Thiès. A ses yeux, pour perdre une localité dans une élection, il faut être candidat. Ce qui n’a pas été le cas pour Idrissa Seck lors des élections locales et des élections législatives.C’est dire donc pour lui, qu’on ne peut pas politiquement imputer la responsabilité d’une défaite à quelqu’un, qui n’était pas candidat et qui n’a pas battu campagne. Il ajoute, « si Idrissa Seck avait perdu à Thiès lors des élections présidentielles, tout le monde serait d’accord qu’il a perdu sa base politique.
Dans le cas d’espèce, on peut parler peut-être d’une responsabilité indirecte. Il faut en tout cas bien retenir qu’Idrissa Seck est un démocrate et de ce point de vue, il ne pouvait pas battre campagne dans une élection où il n’était pas candidat. Les sénégalais sont unanimes sur l’utilité de la présence du Président Idrissa Seck sur la scène politique. D’ailleurs, un homme politique de la dimension du Président Idrissa Seck ne peut plus se permettre de prendre des décisions de ce genre, sans l’assentiment des populations. Thiès et le Sénégal ont encore besoin de lui. Et s’il abandonne la politique sans être le Président de la République du Sénégal, ce serait une grosse perte pour le pays et pour Thiès ».
MOUSTAPHA MBAYE YEWWI ASKAN WI
« Tous les leaders politiques n’ayant pas respecté leur parole, ont été vomis par les Sénégalais »
Moustapha Mbaye de la coalition Yewwi Askan Wi et responsable du Parti pour l’Unité et le Rassemblement (PUR) est d’avis qu’au-delà des promesses qu’il avait faites, Idrissa Seck doit dégager le plancher après ses deux revers électoraux. Selon lui, Idrissa Seck a bel et bien battu campagne, pour s’être retranché dans son cyber-campus, pour recevoir et distribuer de l’argent à tour de bras. Mais à ses yeux, que tout le monde se le tienne pour dit, « dans l’histoire politique du pays, tous les leaders n’ayant pas respecté leur parole, ont été vomis par les Sénégalais et nous avons beaucoup de respect pour lui, mais politiquement Thiès a tourné la page Idrissa Seck.
C’est parce que les citoyens ont des exigences éthiques par rapport aux hommes politiques et le respect de la parole donnée y occupe une place de choix. Il s’y ajoute que les vrais leaders n’attendent jamais qu’on les humilie politiquement ». Pour Khar Sène Président du Mouvement, c’est Macky Sall qui a envoyé Idrissa Seck à la retraite politique depuis longtemps. C’est parce qu’il a craché du venin sur lui et sur sa gestion, avant de retourner sa veste pour chanter ses louanges comme si de rien n’était. Selon lui, personne n’a poussé Idrissa Seck vers la retraite politique, c’est lui-même qui a pris cette option, après avoir librement décliné les conditions et donc, il porte l’obligation de respecter son engagement.
Mbaye SAMB