Football/Le vide de la tanière, et si l’Etat choisit, au lieu d’attendre le délégataire! (Par Cheikh Fall Journaliste)

Aussi saugrenue que cela puisse paraître, ce titre n’est ni provocateur, ni surréaliste encore moins taquin. Ce sont les circonstances qui m’ont poussé à le choisir. Oui, il est temps que les règles du jeu changent dans le processus de choix du sélectionneur national ainsi que tous les autres techniciens. Au vu de l’évolution du football, son impact socio-économique, la manne financière qu’il génère, les emplois qu’il crée et conséquemment les retombées qu’il engendre, son administration doit être réorientée, repensée et mieux contrôlée. La fédération sénégalaise de football cherche un sélectionneur national qu’elle propose à la tutelle, donc au Ministre en charge des sports. C’est cela la routine ou le principe. Mais ce n’est pas une règle intangible. Le département des sports qui paye par l’argent du contribuable, doit-il attendre que la case brûle, pour mettre son veto ou décidé de la suite à donner, comme on a vécu avec l’épisode Aliou Cissé.

Dans ces colonnes nous allons essayer d’expliquer pourquoi la pyramide doit être inversée. La fédération sénégalaise de football, qui est délégataire de pouvoir, est couverte par son immunité. Aucune ingérence dans son administration du football, sinon la sanction de la FIFA  suivra sans aucune forme de procès.  Elle est fortement protégée par cette instance internationale. D’accord pour l’autonomie des associations, mais cela doit être encadré. C’est une anomalie à corriger. Le chef de l’état, qui est investi de la confiance de son peuple souverain, veut bien que la manne financière qu’engloutissent le football et l’équipe nationale particulièrement, aboutisse et donne satisfaction à tous les sénégalais.

Son Ministre des sports, sous l’autorité du Premier Ministre, est appelé à matérialiser cette vision. Pour l’atteinte de ces objectifs globaux, les performances de l’équipe nationale de football sont déterminantes. Mieux, dans la définition de la lettre sectorielle du département des sports, l’équipe nationale de football occupe une place centrale. Si nous alertons sur la nécessité de changer les règles du jeu dans le choix de l’entraîneur national, c’est à cause de la carence du délégataire, qui se réfugie derrière son immunité qui le protège de toute sanction. Sinon comment comprendre que de 2012, année du fiasco de l’expédition en Guinée Equatoriale à nos jours, la fédération sénégalaise de football, face à de multiples échecs et de contrats d’objectifs non atteints, fait limoger par la tutelle des sélectionneurs, alors qu’elle reste intouchable. Pourtant c’est une responsabilité partagée. Jugez-en par vous-même.

Ghana 2008 Henry kasperzack abandonne le bateau en pleine mer.

Alors que le Sénégal, mal en point en phase finale de la coupe d’Afrique des nations qui se disputait au Ghana, cherchait des voies et moyens pour se tirer d’affaire, le sélectionneur de l’époque Henry kasperzack, face à une vague de critiques et n’ayant plus une main mise sur la bande à Elhadji Diouf, Tony Sylva et autres, jeta l’éponge sans coup férir. Son adjoint, le courageux et inflexible Lamine Ndiaye prend les commandes. Il affronte l’Afrique du Sud le 31 janvier 2008 au stade Baba Yara de Kumassi, sans aligner le ballon d’or d’Elhadji Diouf et Tony Sylva pour des raisons dont on n’a pas besoin de relater ici. Le score final 1 but partout. Mais c’était  insuffisant pour franchir le premier car le mal causé à Tamale, où les lions étaient domiciliés par Henry kasperzack était trop profond.

Le 23 janvier 2008, le Sénégal après un match nul peu convaincant (2 à 2) face à la Tunisie se fait étriller le 27 Janvier par une modeste équipe d’Angola 3 à 1.C’est ce coup de fourré qui a semé le désordre, l’indiscipline dans la tanière, perdu le Sénégal et Henry kasperzack. La seule chance qui restait au Sénégal c’était de battre l’Afrique du Sud, pour se qualifier en huitième. Mais ce n’est pas le cas, le nul concédé était insuffisant à l’avantage des bafana banfana. Donc c’est dans une atmosphère délétère que Lamine Ndiaye a pris le bateau qui était véritablement amoncelé par les divergences et autres incivilités notées dans la tanière.

Le bureau fédéral de l’époque est resté intact après cette débâcle.

2012, le fiasco en Guinée Equatoriale.

L’intérim assuré après le limogeage d’Amara Traoré à la suite d’un fiasco inédit fut complexe. Il tournait autour des regrettés Karim Séga Diouf et Joseph Koto et d’une certaine mesure Aliou Cissé. Parce la chute d’AmaraTraoré à la tête de la sélection de l’équipe nationale fut dure et brutale. Les puristes les plus avertis ne voyaient rien venir. En éliminatoire, Amara Traoré a obtenu une belle qualification à la phase finale de la coupe d’Afrique des nations de football, conjointement organisée par le Gabon et la Guinée Equatoriale. Engagé décembre 2009  comme sélectionneur national au sortir de la malheureuse aventure de Tamalé 2008, Amara Traoré avait qualifié le Sénégal pour la Can 2012, après un parcours sans faute. Six (6) matches sans la moindre défaite en phase éliminatoire, le coach en chef avait réalisé cette performance inédite. Mais tout bascula durant la phase finale. Trois matches, trois défaites sans marquer le moindre but face respectivement au Zambie, à la Guinée équatoriale et à la Lybie, les lions d’Amara avec Souleymane Diawara, Mamadou Niang, sont éliminés au premier tour. Le navire a coulé. Amara Traoré et ses adjoints n’ont pas survécu au sabre du président de la fédération de football. Ils sont tous limogés. Les techniciens payent de ce naufrage collectif, pendant que les fédéraux vaquent tranquillement à leurs occupations.

Certes, c’est un fiasco inexplicable, mais c’est toute la délégation sénégalaise qui devrait répondre. Les fédéraux intouchables font comme si de rien n’était. Ils prennent des intérimaires locaux bons à jeter en pâture. Dans leur schéma, ils voulaient un titulaire français, car avec ces déboires d’Amara, les locaux sont bannis. La recherche fut longue, car la surprise du fiasco de la Can 2012, a bouleversé les fédéraux. La tutelle elle, ne peut pas s’ingérer dans cette affaire de craintes de sévères sanctions de la FIFA, comme du temps d’un fameux comité de normalisation.

Durant tout ce temps de recherche d’un sélectionneur national titulaire, la fédération sénégalaise de football vacille entre Karim Séga Diouf, Aliou Cissé puis Joseph Koto. Ce dernier n’a malheureusement pas duré à la tête de l’équipe nationale A (juillet-octobre 2012), du fait que le Sénégal n’était pas qualifié à la CAN 2013. La fédération sénégalaise de football sort de nouveau le sabre, pour tous ces techniciens dont le seul tort est d’aimer leur pays et d’être passionnés du métier qu’ils ont appris.

La guillotine est intervenue en octobre 2013. Le contrat d’objectifs qui était de qualifier le Sénégal en phase finale de la Can 2013, n’était pas atteint, justifie la fédération sénégalaise de football. Ici,  beaucoup de puristes se demandent pourquoi le Président Augustin Senghor et les fédéraux n’ont pas appliqué cette jurisprudence à Aliou Cissé, qui n’avait pas rempli sa part du contrat. A la coupe du monde 2022 au Qatar, il n’avait pas franchi l’étape des huitièmes de finale, alors qu’il avait signé pour atteindre les quarts de finale.

Les lions étaient éliminés par l’Angleterre 3 à 0. Quant à la Can 2023  disputée en Côte d’ivoire, le Sénégal tenant du titre et parmi les favoris a été éliminé en huitième de finale. Contrat d’objectifs non atteint. La fédération sénégalaise de football a mélangé pour Aliou Cissé, parapheur et Sabre. C’est sous parapheur qu’elle a glissé le projet de prolongation du contrat d’Aliou Cissé, rejeté par la tutelle. Mais que de temps perdu. Mayacine actuel directeur technique national, prend alors l’intérim des lions, le temps d’une rose, car les fédéraux sont allés recruter Alain Giresse en janvier 2013. Mais Giresse, subira le même sort qu’Amara Traoré en Guinée Equatoriale. Emporté par l’élimination prématurée au premier tour des lions de la téranga à la trentième édition de la Can 2015 en Malabo, en Guinée Equatoriale, le technicien français fut limogé avant même de revenir au Sénégal.

Un autre exemple de contrat d’objectifs non atteint. Les questions reviennent toujours. Pourquoi les fédéraux ne l’ont-ils pas fait avec Aliou Cissé, au sortir de l’élimination maladroite des lions du Sénégal récemment en phase finale de Can en côte d’ivoire alors qu’ils étaient détenteurs de Dame coupe africaine. Décidément, la Côte d’Ivoire ne nous réussit pas. En 92, sur notre propre sol, les ivoiriens gagnent la coupe d’Afrique des nations. En 2013, les ivoiriens freinent les ardeurs des sénégalais sur le chemin de la Can. Alors que la Côte d’Ivoire menait par 2 à 0 face au Sénégal à Dakar en éliminatoire, le match fut interrompu par des incidents. Saisie, la CAF confirme le score. La côte d’ivoire passe, le Sénégal reste au quai. Feux Karim Séga Diouf et Joseph Koto, paix à leur âme furent limogés. Entre dans la danse Mayacine Mar avant l’arrivée d’Alain Giresse. La suite on la connait. Giresse est limogé tandis que Mayacine Mar trône toujours à la direction technique nationale.

Aujourd’hui, en 2024, c’est un ancien joueur de l’équipe nationale qui assure l’intérim de la tanière. Pape Bouna Thiaw, c’est son nom a de toute façon réussi son baptême d’intérimaire. Il est même allé plus loin, en déclarant qu’il est un entraîneur qui aime le jeu offensif. Le Malawi battu par 4 à 0 le vendredi 11 octobre 2024 sur la magnifique pelouse du stade Maître Abdoulaye Wade, en sait quelque chose. Pape assume donc. Mais, là où je veux attirer l’attention du coach intérimaire, c’est qu’il n’a pas le droit, alors pas du tout, de dédier la victoire de l’équipe nationale du Sénégal à qui que ce soit, fut-il son ancien mentor Aliou Cissé.

Cela relève de la seule prérogative de chef de l’Etat gardien de la constitution et premier supporter des lions. Non pas d’excès. Mon cher coach, je te souhaite que tu sois confirmé, vous êtes un employé de l’équipe nationale. En tant que chef d’orchestre, votre rôle est de continuer à nous amener des victoires, sinon le sabre est toujours plus que tranchant. Non! Respectons les règles du jeu et tout le monde y gagne. Dans la tanière il y’a vraiment lieu de fixer les limites à ne pas franchir.

Evitons de tomber dans l’euphorie ou dans le tourbillon du délire. Tout ce rappel non exhaustif d’intérimaires, suivi de la parenthèse sur la sortie euphorique de Pape Thiaw, nous amène à justifier le titre de ces lignes, car comme vous l’avez constaté, de tous ces échecs, la fédération n’a encouru aucune sanction, pas même un avertissement. Pourtant, sa part de responsabilité ne souffre d’aucune ambiguïté, parce que c’est elle qui choisit les techniciens. Alors qui choisit, assume. Mais cette fédération est couverte par son immunité. Qui ose la sanctionner aura au sabre de la toute puissante FIFA, qui  protège ses membres à outrance. Voilà pourquoi, je propose une réforme pour permettre à la tutelle, à l’Etat, de faire ses choix et de définir ses objectifs en fonction des moyens engagés. Ce qui n’est pas compliqué car le directeur technique national, le secrétaire administratif entre autres hauts fonctionnaires du ministère des sports sont, soit détachés, en disponibilité ou mis à disposition.

Ce sont de grands cadres qui connaissent et maîtrisent les rouages de l’administration et du management du football. Dommage que l’on en arrive à une administration tarabiscotée de notre sport roi et du choix du sélectionneur national, laissé au soin d’un délégataire protégé par son immunité. A corriger pour une meilleure gestion des responsabilités. L’état finance, mais n’ose pas sanctionner, ah le football est vraiment puissant. Les entraîneurs sont limogés en cascade pour raison d’objectifs non atteints ou insuffisance de résultats, pendant que leur patron reste à la tête jusqu’à la tempête d’une élection. C’est à corriger.

Ancien Chef de Département RTS.