Le corona n’est pas aussi négatif que le diable ( Par Fallou SAMB Professeur de Philosophie)

Hégel le négateur de l’histoire africaine et l’insulteur de l’esprit africain, pense que le négatif n’est pas aussi négatif que le diable. Derrière l’apparente négativité se loge toujours quelque chose de positif que seuls les esprits avertis peuvent appréhender. Voilà d’ailleurs l’essentiel, tout le reste relève de l’inessentiel.

Appliquer une telle vision au corona virus inquietera certains esprits enclins à la précipitation. Pour eux, la positivité du corona virus ne se pense pas, n’existe pas. Selon cette perspective, le corona virus est un malheur qui se déferle sur les hommes, faibles et perdus. Avec les cortèges de morts qu’elle provoque, il appert qu’il est un mal, une agressivité que la nature ou Dieu exercerait sur l’homme et sa mégalomanie.

Mais soulevons l’écorce pour voir plus loin. Dans un schéma hégélien, l’on dira que la violence ou même la souffrance qui engendre l’histoire n’est rien d’autre qu’un processus de formation de l’Esprit. Sous ce rapport, aussi violents que soient les événements, aussi douloureuse que soit l’histoire, elle amène l’homme à plus d’humanité, plus de rationalité, à une maturité de l’Esprit. Alors même si le virus pullule et provoque la mort des milliers d’hommes, il permet la réalisation de quelque chose d’essentiel de supérieur : les esprits se valent, les Hommes se valent, un pays est un pays, une vie est une vie. Au moins pour une fois, l’évidente inégalité des hommes est masquée par une certaine égalité devant une maladie et par conséquent devant la mort : phase ultime qui consacre la fin de toute vie. Cependant, il faut le reconnaître, certains meurent de la maladie par racisme, par exclusion ou bien même par aggravation d’une autre maladie..

Les africains avaient leurs maladies et les occidentaux les leurs maintenant l’humanité a en partage la pandémie du corona. Les maladies des premiers s’universalisaient promptement alors celles des seconds étaient juste considérées comme des épidémies, donc locales. Au demeurant, aujourd’hui pays riches comme pays pauvres, G7, G20 comme G0 tout le monde est considéré directement où indirectement par cette maladie et partant par la peur et l’angoisse qui en découlent. Même les « géants » ont peur et celle-ci déborde et se déverse sur « les petits » jusqu’à les pulvériser. La maladie rétablit une certaine égalité entre les hommes. Nous sommes tous pareils.

L’un des aspects positifs de cette pandémie, est qu’elle redonne une occasion pour l’Afrique de sonner le glas avec ses anciens colonisateurs. Eux tous ont manifesté leur fragilité comme pour donner raison a Paul Valéry qui déclarait sans fards ni masques que « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles ». L’Occident n’est plus le centre du monde. Chaque pays à son centre qui lui est propre. Il n’y a plus un centre transcendant qui s’impose comme dominateur, c’est un véritable enseignement. Chaque pays gère la maladie à sa façon. Et les pays du Nord comme pour perpétuer leur domination sur ceux du Sud, malgré leur système sanitaire au bord du gouffre, même agonisants, hallucinent et veulent proposer des vaccins, une aide pour les pays du Sud qui ont des morts qui se comptent avec des doigts. Parce qu’ils avaient coutumes de faire de la population africaine un marché où on teste du tout : médicament, aliments, sous le regard complice des organismes internationaux ainsi que de certains de nos dirigeants à la vision courte , qu’ils prétendent tester sur nous leurs vaccins. Si vous avez des vaccins à tester, il faut les tester sur vos populations. Un agonisant ne peut prétendre sauver un bien portant. Comment, dans une noyade, quelqu’un de la rive peut-il compter sur celui qui est presque noyé? La vérité c’est que certains veulent voir l’Afrique rayée de la carte du monde, ils ont jusque là appliqués sur elle toutes les méthodes d’élimination possibles.

Les méchants se trompent, notre continent ne se meurt pas pour l’instant. Ce sont les chinois, les italiens, les français, les espagnols, les américains, les belges qui meurent en grand nombre : c’est cela la réalité.

Même si la mort est la phase terminale qui attend toute existence, pour l’instant, c’est l’Afrique avec sa forte population et sa manière de vivre décriée qui résiste encore mieux. Que la maladie disparaisse sur toute la terre, c’est notre souhait, nous qui préférons la vie à l’économie. Avec ce fléau, nous assistons à une redistribution des cartes sur la géopolitique mondiale.

L’heure de prendre nos responsabilités a maintenant sonné. La solution doit être maintenant sénégalaise, burkinabé, rwandaise, malienne, algérienne, tunisienne, malgache bref africaine pour l’Afrique avant de concerner le monde. Attendre la solution de l’extérieur par mendicité, c’est minimiser notre intelligence, c’est minorer l’urgence qu’il y a à saisir cette opportunité de rompre les chaines, absolument, définitivement !!! Aujourd’hui avec la maladie, les grands peuvent devenir petits et les petits peuvent devenir définitivement grands. Tout est une question d’audace pour les « petits », de laxisme et de paternalisme pour les autres. Aliénation à part, notre Afrique est capable de se gouverner de son propre chef. Arrêtons de tendre la main car en fait cet acte maintient à l’infini notre dépendance.Arrêtons de s’endetter et de payer des dettes de l’infini à l’infini au lieu de développer des stratégies pour développer une économie dont le centre est chez nous.

L’un des aspects positifs du fléau, c’est de mettre au grand jour la minoration des priorités par nos dirigeants qui courbent souvent l’échine devant l’Occident. C’est d’ailleurs une telle faiblesse que tente d’exploiter les pays dits forts qui vont même jusqu’à vouloir faire de l’Afrique un continent à sauver pour toujours en annulant ses dettes contractées. La maladie expose en plein midi ce que certains de nos dirigeants complotaient avec les adeptes du capitalisme. Donner de l’argent pour tout se permettre : ressources, des cowboys pour laboratoire, des marchés, bref carte blanche pour piller sous le couvert du partenariat économique, il faut que cela cesse!

L’autre avantage que le corona vient de révéler, c’est que l’on peut forcer les gens à se conformer aux décisions étatiques. C’est qu’en fait, par exemple au Sénégal, on peut obliger aux transporteurs de respecter le nombre raisonnable qu’une voiture peut contenir. Les accidents dans le pays font plus de 600 morts d’après les statistiques, moins que le nombre de cas malades du corona au Sénégal, à l’heure où nous fixons ces lignes, or pourtant nous avons plus de respect pour le second que pour le premier. Et si au lieu de lâcher prise on maintenait l’exigence de sécurité dans le domaine du transport, et au-delà même, ç’aurait été mieux. S’il y avait un mot que je mettrais sur tout cela c’est : RÉVÉLATION.

In fine, l’heure de prendre nos destinées en main a sonné. Le maître Fanon dans les grandes conclusions des Damnés de la terre nous interpellait juste avant de mourir en nous demandant d’arrêter de signer du côté de l’Europe, de ne plus calquer nos destinées sur elle, car en fait elle se moque de l’homme, elle parle majestueusement de lui mais le piétine regrettablement partout où il le trouve.L’heure d’une nouvelle Afrique, par les africains et pour les africains a sonné, si nous n’y croyons pas, si nous voulons une autre Europe nous n’avons qu’à confisquer nos destinées aux Européens, le cas échéant, il nous faut réinventer une pensée neuve, un homme neuf, il nous faut réinventer notre chemin avec nos propres approches, notre science propre, nos propres discours, nos propres méthodes cela en parallèle avec le grand cheminement universel.

Fallou SAMB, Professeur de Philosophie.